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      nous sommes tous des condamnés..
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      la culture de l'oubli
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LE PREMIER JOUR


Je veux sentir une résistance, une résistance à la mesure de ma volonté de m'exprimer, de m'exprimer dans et non m'exprimer à (et à qui de toutes façons), de me mettre dans, d'être, accumuler mon énergie dans, me sédimenter, faire des réserves de vie, vivre ailleurs, éprouver une résistance pour sortir de l'image du monde, pour naître au monde, renaître, se laisser aller à réfléchir, ne plus absorber, être un miroir, ouvrir les yeux sur l'envers des choses, écrire à l'envers sur l'envers, ne plus communiquer, brouiller le silence, m'inventer un ennemi pour pouvoir lui survivre, devenir un obstacle, justifier ma vie en créant l'injuste, ne pas comprendre le monde car comprendre le monde c'est le rendre supportable, ainsi je veux réfléchir et rendre le monde insupportable, lourd, et plus je réfléchirais plus j'aurais de chances de renaître, de vivre tout simplement, dans la beauté insupportable, 








LE DEUXIEME JOUR


Aucune tentative de représenter le monde n’est à la hauteur de notre détresse. Nous restons à jamais inconsolables. Nous essayons sans cesse de donner le jour à un monde de substitution qui puisse attirer sur lui l’inexorable réalité, comme un sacrifice expiatoire, pour pouvoir enfin accéder à l’autodétermination, l’espoir peut nous occuper un moment mais toute création est désespérée, nous sommes condamnés à marcher dans le vide, ne pouvant qu’inventer le chemin parcouru dans la peur du faux-pas, cultivant avec art l’utopie d’être maître du jeu, comme un remède pour penser les blessures, comme un vaccin pour immuniser contre l’exaspération, car nous savons très bien que toute cette agitation ne parvient pas à masquer notre impuissance, nous ne faisons que colmater les brèches entrouvertes par nos éclairs de lucidité, entretenant le doute par la multiplication des avis, pouvant ainsi changer de certitudes au gré de nos angoisses et inversement, car nous n’avons pas peur de l’angoisse, au contraire, elle stimule notre vitalité par des questions auxquelles on peut trouver des réponses, nous ne supportons pas en effet de nous taire, en fait l’essentiel de notre lutte est contre le silence, notre seule arme est le bruit, si un Dieu existe, il faut bien qu’il puisse nous entendre, mais nous restons sourd à nous-mêmes, le tintamarre nous a rendus durs d’oreilles, nous nous rendons ainsi petit à petit insensibles à notre propre détresse, nous rêvons d’être sourds pour ne pas avoir à entendre ce silence, pour le faire nôtre, le manger pour qu’il soit à l’intérieur et non plus à l’extérieur de nous-mêmes, ventre rassasié n’a pas d’oreilles, nous cultivons ainsi un réservoir de bruits pour toujours pouvoir dresser un mur entre le silence et nous, mais trop occupés à la perfection de l’échafaudage, nous oublions de construire la maison, nous rêvons d’échafaudages de cathédrales quand nous ne sommes pas capables d’élever un abri de jardin, à l’architecte les trompettes de la renommée, au maçon solitaire les trompettes de Jéricho, aux assourdis d’être tromper, aux sapeurs de franchir le mur du son, comme un vol de nuit, voler au radar comme une chauve-souris, sans faire d’ombres sur la terre, sans troubler le sommeil des assourdis qui après une bonne journée en fanfare continuent de dormir sur leurs deux oreilles, le juste repos repu des estimables pourfendeurs du silence, hérauts du bruit aux héroïques combats, nobles chevaliers de la trompette, mais franchir le mur du son mène à rien, et laisse sans voix comme un enfant orphelin de son passé et de son avenir, aussi nous préférons tous la trompette qui dans le vacarme artificiel nous excuse d’oublier d’écouter ce que de toutes façons nous ne pourrions pas entendre,









LE TROISIEME JOUR


L'espoir ne fait pas vivre, il cultive des carottes dans un jardin  qu'assaillent sans cesse des lapins aux grandes oreilles, des lapins qui courent après les moindres bruits, mais la carotte pousse dans la terre et c'est la mort qui vient à point pour qui sait attendre, le reste vient toujours trop tard, et dans ce jardin, les lapins font les cents pas comme dans un hall de gare et ne prennent jamais le train, de jardinier le chef de gare a tout le loisir de devenir chasseur, il tire les lapins comme des pigeons, la chasse est bonne, à penser aux cadeaux de l'avenir, le lapin oublie le présent du présent, il se regarde dans la glace et se contente de son image, il se reproduit dans le décor de son choix, se voit jouer un rôle, se voit déjà voler quand il n'est qu'une alouette dans le miroir du chef de gare, tout juste bon à être plumé, le lapin ne sait pas où se poser, il est toujours là où on l'attend, l'attente des uns comble toujours l'attente des autres, et chacun de faire son trou dans l'attente d'être comblé, comme une récompense, un complément, comme s'il manquait quelque chose pour vivre enfin, un vide qui nous aspirerait, qui nous mettrait en mouvement, peut-être même qui nous maintiendrait en vie tout simplement et personne ne veut réellement être comblé, ni le lapin, ni le chef de gare, nous sommes tous finalement des chasseurs de vide, des adorateurs de l'absence, nous faisons semblant de nous satisfaire d'un tient pour  mieux regretter deux tu l'auras, nous ne supportons pas tout simplement d'être complet, nous voulons nous persuader que ce qui nous manque nous constitue plus sûrement que ce que nous avons et que tout ce vide qui nous entoure n'est finalement qu'un prolongement de nous-mêmes que nous ignorons encore, nous explorons l'infini à la recherche de notre image, non pour apprendre mais pour nous voir, et plus nous fabriquons de vide plus nous grandissons, comme un gaz en expansion, qui prend la forme de ce qui le limite, nous repoussons ces limites toujours plus loin pour devenir toujours plus léger, pour enfin pouvoir échapper à la gravité qui sans cesse nous rappelle à la terre, cette terre qui nous fait si peur, malgré toutes les carottes que nous plantons, la terreur est immense d'y voir une erreur, chacun cherche à quitter le navire en péril, prêt à tout pour la première paire d'ailes venues, nous fuyons depuis si longtemps que nous en avons oublié la raison, mais qu'importe regardons comme nous courrons si bien,







LE QUATRIEME JOUR


Je sais que les mots existent
Je peux m'échapper sur un chemin de mots
Je saurais peut-être ce que je suis

mais pourquoi se mettre en marche quand je ne sais pas où je vais
parce qu'il n'est pas pensable tout simplement de ne pas penser
et qu'il faut bien un début là où il y a une fin

maintenant le travail peut commencer
entre ce que je suis et ce que je ne suis pas
entre ce que je sais et ce que je ne sais pas
un pas devant l'autre
un mot devant l'autre
faire semblant d'être contenu quand il n'y a pas de contenant
et la tempête peut bien se lever

il y a tant de choses à échouer,
sur le sable des plages,
à marée basse,






LE CINQUIEME JOUR


l'écrit est écrit
et le cri est crié
l'enfant est né
et l'homme condamné
je n'ai pas de vie devant moi
je suis dedans et dehors à la fois
il n'y a pas de chemin,

ici commence le cinquième jour,
mais où sont tous les jours qui ont sculptés ces mots ?

et que reste-t-il finalement à inscrire?






LE SIXIEME JOUR


six, bientôt sept
le germe septique est déjà là,
la fin digère les nombres moyens,
et déjà,  la nuit vient,







LE SEPTIEME JOUR


il y aura un soir
il y aura un matin
et ce sera le dernier jour,
pour toujours.